Bien que ne représentant qu'une des menaces parmi celles qui pèsent
sur les systèmes d'information, les virus semblent avoir acquis une
certaine célébrité, sans doute parce que leur connotation
pathologique, au demeurant justifiée, a su frapper l'imaginaire.
Au-delà des fantasmes que le terme déclenche, les virus, sous
les formes variées qu'ils peuvent prendre, constituent effectivement
un vecteur de choix pour conduire ou faciliter les attaques contre les systèmes
faisant appel à l'informatique, qu'il s'agisse de simples micro-ordinateurs
personnels, de commutateurs téléphoniques comportant plusieurs
millions d'instructions, de vastes systèmes répartis ou de
calculateurs pilotant des installations d'intérêt stratégique
tels qu'une centrale nucléaire, sans parler des systèmes de
la Défense.
Si cette forme d'agression revêt souvent un aspect ludique et se trouve complaisamment assimilée à une compétition, voire à une saine émulation entre des responsables de systèmes et des attaquants parfois abusivement qualifiés de géniaux, il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'actions délibérées destinées à nuire, en un mot, de sabotages parfaitement répréhensibles et d'ailleurs passibles de poursuites pénales, contre lesquels il convient de se prémunir et de lutter.
Les parades miracles efficaces à 100% n'existent pas. A peine un remède est-il diffusé qu'il est déjà contourné. L'extrême degré de sophistication de certains virus, les techniques utilisées, au nombre desquelles on peut citer les codes furtifs et le polymorphisme, témoignent de la surenchère. Seul un ensemble de mesures organisationnelles et techniques, incluant l'utilisation de logiciels anti-virus évolués, peut éloigner le risque d'une contamination ou en diminuer les effets. Par la crainte, parfois même la panique, qu'ils suscitent, les virus ont au moins le mérite de réveiller les consciences et de faire adopter des mesures de défense souvent négligées et dont certaines sont efficaces contre les autres formes d'agression.
Colonel Jean-Louis Desvignes
Chef du Service Central de la Sécurité
des Systèmes d'Information
Le 6 mars 1992, un grand nombre d'installations informatiques étaient dévastées par un nouveau virus (c'était la première fois qu'il frappait) portant le nom aimable de Michelangelo, en raison de la date anniversaire de la naissance du peintre. 1993 : rien ne se passa. 1994 : tout fut calme. La raison en était simple : en 1992, le 6 mars tombait un vendredi alors que, les deux années suivantes, cette date se situait pendant le week-end, période au cours de laquelle les activités bureautiques professionnelles sont des plus réduites. Mais, cette année, le 6 mars tombait un lundi.
Prévenus, comme beaucoup d'autres, par un message diffusé sur une liste Internet spécialisée dans les virus, nous avions, à notre tour, rediffusé l'information par e-mail et par fax à nos correspondants régionaux. Un malencontreux hasard voulut que, dans une délégation régionale, le correspondant ayant changé sans que nous en fussions prévenus, le message ne parvint pas à (bonne) destination. Et ce qui devait arriver arriva. Les machines d'un laboratoire subirent les dommages prévus (perte du contenu du disque dur).
Bel exemple de virus "taupe" pouvant rester blotti, tranquille, dans son coin de disque dur, pour ne se réveiller qu'à date fixe. Il en existe dont les conditions de mise en activité peuvent être plus complexes et nécessiter la rencontre simultanée de plusieurs conditions. Ce sont sans doute les plus dangereux car, en temps normal, on n'a aucune raison de soupçonner leur présence, et quand on la découvre, il est trop tard. Il y a un remède : au moins une fois tous les mois, lancer un logiciel de détection de virus. Généralement, le résultat sera négatif. Mais on vivra plus tranquille...
Nous ne retiendrons que les ordinateurs personnels et les stations de travail, qui sont les matériels les plus répandus dans notre milieu. On peut distinguer trois groupes de systèmes, d'après le nombre des machines en service et non selon leurs qualités intrinsèques :
"Un virus est un virus" (André Lwoff, prix Nobel de Médecine - 1965). En informatique, on appelle virus "tout programme d'ordinateur capable d'infecter un autre programme d'ordinateur en le modifiant d'une façon qu'il puisse, à son tour, se reproduire" (Fred Cohen). On notera l'absence de toute référence à la notion de dommage direct ou indirect. Il existe aussi le cheval de Troie, qui est un programme capable d'effectuer une action non documentée que líutilisateur n'approuverait pas nécessairement s'il en était informé.
Toutefois, dans le langage courant (celui de l'utilisateur), une telle distinction n'est pas de mise et on appelle tout simplement virus tout programme qui, à l'insu de líutilisateur; exerce une action nuisible à son environnement : modification ou destruction de fichiers, effacement du disque dur, allongement des temps de traitement, manifestations visuelles ou sonores plus ou moins inquiétantes, etc. Cette action peut être continue, sporadique, périodique ou n'avoir lieu qu'à une date précise ou selon la conjonction d'événements extérieurs fortuits. Le virus Michelangelo, par exemple, ne se déclenche que le 6 mars.
On admet, généralement, qu'il existe deux classes principales de virus : les infecteurs de fichiers qui s'attachent, tels des sangsues, à des programmes innocents et exercent une action directe ou indirecte et les virus du système qui s'attaquent à certains fichiers vitaux du disque dur, tels le boot-sector (premier secteur lu à l'amorçage du disque), la FAT (qui est la table d'allocation du disque) ou les répertoires (les tables des matières des fichiers). Ces virus ne font pas dans la broderie. Une fois ces zones critiques modifiées ou détruites (et cela demande peu de temps), le contenu du disque peut être considéré comme perdu. A moins qu'une sauvegarde intelligente n'ai été effectuée en temps opportun.
Certains virus sont "à voile et à vapeur", c'est-à-dire qu'ils sont capables d'effectuer ces deux types de dommages.
Il existe aussi des virus bénins ayant pour seul but de gêner les activités de líutilisateur, par exemple en perturbant l'affichage des informations (lettres qui dégoulinent du haut en pas de l'écran, petit rongeur qui grignote le contenu de l'écran, ralentissement des opérations, bruits parasites, etc.) Il suffit alors de s'en débarrasser sans avoir à corriger aucun dommage. Ils deviennent, hélas, de plus en plus rares.
On ne peut attraper un virus qu'en exécutant un programme, comme nous l'avons dit dans le numéro 4 de Sécurité Informatique. Par ailleurs, un virus ne saute pas depuis une disquette posée sur un bureau dans l'ordinateur qui est à côté. Il faut qu'il y ait un contact physique, c'est-à-dire que le fichier porteur de virus entre dans l'ordinateur. Pour cela, deux moyens : le média (disquette, CD-ROM...) ou le réseau (Internet, BBS ...).
Dans le premier cas, quelqu'un en qui vous avez toute confiance (ami, collègue, revue d'informatique...) vous a transmis un fichier sur disquette. Si c'est un programme, méfiance. Testez-le (cf. La prévention) avant de le recopier : votre source peut être, à son insu, "porteur sain". Si c'est un fichier de données, vous pouvez le recopier sans précaution. Mais, ceci fait, ôtez immédiatement la disquette du lecteur car un virus peut être caché dans le secteur d'amorçage de la disquette et vous risqueriez de l'attraper en tentant de booter par mégarde sur la disquette oubliée (cf. Sécurité informatique n 3).
Si vous êtes relié à l'Internet, le danger vient de FTP ; si vous vous connectez par réseau téléphonique commuté à un BBS, le danger vient du downloading (téléchargement). Dans les deux cas, les responsables de ces serveurs font de leur mieux pour éviter de laisser séjourner sur leurs disques des programmes virussés, mais ils ne sont pas à l'abri d'une surprise. Alors téléchargez, soit, mais avant toute exécution, passez le fichier reçu au détecteur.
Recherches et Etudes sur la Criminalité Informatique Française est une association à but non lucratif qui s'est donné pour but de permettre des échanges d'expériences et d'idées dans le cadre de la lutte contre la criminalité informatique. Son activité s'exerce principalement dans le domaine de la lutte contre les virus. Qui dit "lutte" dit aussi protection, information et sensibilisation.
Parmi les membres de RECIF, outre le CNRS, on peut citer pêle-mêle : le Ministère de l'Intérieur, le Ministère de la Justice, le Ministère de l'Equipement, la Société Générale, la BNP, la CRAMIF, la Gendarmerie Nationale, Philips, Alcatel Espace, Thomson CSF, Dassault...
Des réunions ont lieu tous les mois dans la région parisienne. Un BBS existe pour diffuser des informations : (1) 34 15 49 59. Pour tout renseignement, voici l'adresse de RECIF : BP 109, 95135 FRANCONVILLE Cedex..
Comment agissent les virus |
Les virus du système, ayant une action brutale, opèrent quasiment au grand jour. Quand on s'aperçoit de leur présence, il est déjà trop tard. Les infecteurs de fichiers, par contre, ont une action généralement insidieuse. Pour être efficace (si on ose employer ce terme, ici), un virus doit donc faire en sorte que son action ne soit pas perçue immédiatement. En outre, il doit lancer ses attaques depuis une base sûre. Au repos, il se loge dans un ou plusieurs recoins du disque dur. Il va, le plus souvent, se réveiller lors de la mise sous tension de l'ordinateur et venir se blottir en mémoire. On distingue :
Le dessin de Zévar est reproduit avec l'aimable autorisation de l'auteur et de 0-1 Hebdo que nous remercions.
Les fauteurs de virus et les auteurs de logiciels de détection se livrent perpétuellement à l'escalade. (Certaines mauvaises langues vont même jusqu'à insinuer que ce sont les mêmes, mais nous n'en avons pas de preuve.) Dès que les premiers inventent une ruse nouvelle, les seconds se hâtent de trouver une parade efficace. La tactique d'un "bon" virus est de ne pas se faire repérer, retardant ainsi au maximum sa détection, donc son éradication. Nous écarterons les virus bénins, cités plus haut, qui, eux, au contraire, cherchent à se faire repérer par des manifestations le plus souvent audiovisuelles.
Plusieurs symptômes peuvent révéler qu'un fichier a été infesté : changement de taille, de date de création, de somme logique de contrôle (checksum). La taille mémoire disponible pourra se révéler réduite par rapport à ce qu'on a coutume d'observer (639 Ko au lieu de 640). Mais qui va se soucier d'aller quotidiennement vérifier ces paramètres ? Autrement dit, seul un expert peut, assez rapidement, soupçonner la présence d'un virus. L'utilisateur normal devra recourir à des logiciels spécialisés capables d'une analyse fine (et souvent complexe) du contenu de la mémoire et de celui du disque.
De son côté, líutilisateur qui a l'impression que sa machine ne se comporte pas tout à fait comme d'habitude (programmes plus lents à se charger, aspect de l'écran différent de celui auquel il est habitué, résultats obtenus surprenants) doit immédiatement admettre la possibilité d'une attaque virale.
Il existe une catégorie de détecteurs de virus qui opèrent sur une collection de signatures. Les virus les plus simples comportent tous, en effet, une suite d'instructions caractéristique, propre à chacun, mais parfaitement identifiable et qu'on appelle leur signature. On peut en établir un catalogue qui ira en grossissant au fur et à mesure qu'apparaîtront de nouveaux virus. Les programmes qui exploitent cette méthode s'appellent des scanners. Ils ne donnent que très peu de fausses alarmes, mais ils sont naturellement inefficaces pour les virus polymorphiques puisque ceux-ci ont la faculté de modifier leur apparence.
L'inconvénient de cette méthode est la nécessité de remise à jour périodique du catalogue, ce qui impose à l'utilisateur de souscrire un abonnement et procure au distributeur et à l'éditeur de l'anti-virus une appréciable source de revenus.
Une autre méthode existe, qui a l'avantage de ne pas nécessiter de mise à jour. Elle se base sur des algorithmes heuristiques pour soupçonner dans certaines successions d'instructions la possibilité d'un virus. La probabilité de fausses alarmes est plus forte qu'avec les scanners mais l'efficacité est permanente. Tout au moins jusqu'à l'apparition d'une nouvelle forme générale d'attaque.
L'une des méthodes les plus simples consiste à installer un logiciel de "certification" qui va créer une base (stockée en un endroit "sûr" du disque dur) des sommes logiques de chacun des fichiers. A chaque mise en route, ou sur demande de l'utilisateur, le programme refera la somme logique de tous les fichiers et la comparera à celle qu'il avait enregistrée initialement. Une alarme sera activée en cas de différence.
Il existe aussi des programmes qui surveillent constamment certaines fonctions du système, en particulier celles qui commandent l'écriture sur disque dur. Lorsqu'ils interceptent un ordre d'écriture portant sur un emplacement "sensible" du disque dur (table d'allocation des fichiers, secteur de partitionnement, secteur d'amorçage, par exemple), ils refuseront d'exécuter l'ordre ou en demanderont confirmation à l'utilisateur.
Ces logiciels sont généralement efficaces, mais parfois trop méfiants. Ils peuvent alors multiplier les fausses alertes et lasser l'utilisateur qui finira par baisser sa garde et désactivera le contrôle ou autorisera machinalement toutes les écritures.
On recommande aussi d'exécuter périodiquement (au moins tous les mois) un check-up (un examen de santé) de son ordinateur à l'aide d'un détecteur de virus. Enfin, comme on est jamais à l'abri d'une surprise ou d'une catastrophe destructrice en plus des virus (incendie, vol, panne...), la meilleure des préventions reste la sauvegarde périodique et régulière (voir l'article de Christian Perrot dans Sécurité informatique n 4).
Comme en médecine, l'automédication est ici la pire des choses. A moins que vous ne sachiez exactement ce que vous faites, le mieux est d'éteindre immédiatement votre machine et, dans la foulée, d'appeler le spécialiste micro du coin à la rescousse. Oui, je sais, il n'y en a pas partout. Mais, si ce n'est dans votre labo, peut-être sur votre campus y a-t-il quelqu'un qui a des compétences avérées ? Lancez-lui alors un SOS et préparez vos disquettes de sauvegarde. Si vous n'en avez pas, craignez le pire ! Les destructions peuvent aller de quelques fichiers isolés jusqu'à la totalité du contenu du disque dur. L'éradication du virus se fait généralement avec un cleaner mais, parfois, des outils plus sophistiqués sont nécessaires dont tout emploi inconsidéré peut achever les premières destructions amorcées par le virus.
On conseille souvent d'avoir une disquette avec système, sûre et protégée, portant son petit lot d'antivirus et de cleaners. Cet outil n'est pas efficace à 100%, le virus pouvant donner l'illusion que le boot a eu lieu sur la disquette alors qu'en réalité il s'est fait sur le disque dur infecté.
Si le virus a eu le temps suffisant pour agir ou s'il s'agit d'une espèce très vorace, le seul remède sera de faire un formatage à bas niveau du disque dur. Puis de restaurer programmes et données avec la plus récente sauvegarde.